Gestion de l’environnement et halieutisme.
Afin de bien saisir les différentes missions d’une Association Agrée pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques (AAPPMA) et éviter toutes confusions, voici quelques définitions et concepts scientifiques importants :
• La gestion de l’environnement : Difficile de parler « gestion » sans expliquer le fonctionnement d’un écosystème.
- L’écosystème aquatique : Un écosystème aquatique est un système défini par des facteurs vivants (animaux, végétaux, champignons et bactéries) qui sont en interactions alimentaires constantes (prédation, symbiose, commensalisme, compétition, parasitisme, etc.) et par des facteurs non vivants qui vont conditionner le milieu et avoir une influence sur l’ensemble du cycle de vie des êtres vivants en fonction de leurs exigences écologiques spécifiques.
Exemple : L’espèce Salmo trutta préfère des eaux entre 4°C et 19°C et a un seuil de tolérance faible (2°C en limite basse et 25°C en limite haute). Au-delà de ces préférences, le paramètre « température de l’eau » devient létal et donc limitant pour le maintien d’une population (voir suite de l’article).
- Les facteurs limitants : Le bon fonctionnement d’un écosystème aquatique est borné par différents facteurs environnementaux qui seront limitants dans le développement des espèces vivantes :
• Facteurs abiotiques : paramètres physico-chimiques comme l’hydrologie, l’hydromorphologie, la géologie, la chimie de l’eau, etc.
• Facteurs biotiques : Quantité d’alimentation disponible, perte d’un maillon du réseau alimentaire, introduction d’une espèce exogène, … etc.
- La gestion des milieux naturels : Les écosystèmes aquatiques ont beaucoup souffert de l’expansion des activités humaines qui ont profondément modifié les facteurs limitants sus cités. La création de digues et de seuils, les pompages excessifs, la pollution et le drainage ont impacté les facteurs non vivants de l’écosystème aquatique et ont donc impacté indirectement et/ou directement parfois les facteurs vivants (faune, flore, champignons et bactéries).
Aujourd’hui, de nombreux outils administratifs permettent de préserver et / ou de restaurer ces milieux naturels afin de rétablir les facteurs non vivants qui sont limitants pour le développement des espèces vivantes. C’est par ces actions qu’on peut retrouver, sur le long terme, des populations « normales » des différentes espèces aquatiques d’eau douce.
• L’halieutisme : L’halieutisme correspond à toutes les actions menées pour développer le loisir pêche afin de satisfaire le plus de pêcheurs. Ces différentes actions halieutiques ne sont en aucun cas des mesures qui permettent de gérer un écosystème naturel et de préserver et/ou de restaurer un milieu naturel ou une population piscicole. Afin de développer ce loisir pêche, plusieurs outils sont disponibles pour les AAPPMA :
• Réglementations : Elles permettent de favoriser la cohabitation des pêcheurs à la ligne autour du respect d’un cadre réglementaire commun. Les zones de pêche libellées ayant une réglementation particulière permettent d’offrir une grande diversité de parcours afin de satisfaire la grande diversité de pêcheurs à la ligne (parcours de graciation, parcours familles, parcours passion, etc.).
• Alevinages : Les empoissonnements (alevins ou adultes) permettent de gonfler les populations et donc d’augmenter artificiellement la biomasse dans un milieu en quelques heures et donc de proposer plus de poissons à capturer pour les pêcheurs. De plus, le comportement naïf des poissons de pisciculture rend la capture plus aisée. Les alevins grandiront dans le milieu naturel mais ne seront pas adaptés à leur environnement : la population ne sera pas durable et aura besoin d’être maintenue par de nouveaux alevinages.
• Aménagements : Il s'agit là de construire des équipements visant à faciliter l'exercice de notre loisir pêche. A titre d'exemple, nous pouvons citer les mises à l'eau, les pontons Handipêche, les voies d'accès au lieu de pêche, la signalétique, etc.
Conclusion : Nous avons bien cerné les différentes missions des AAPPMA : Dans un premier temps, elles doivent promouvoir le loisir pêche en proposant des actions qui visent à satisfaire les pêcheurs en utilisant différents outils réglementaires ou biologiques. Dans un deuxième temps, elles doivent protéger et restaurer les milieux naturels aquatiques et les différentes espèces autochtones en menant des actions de gestion de environnementales. Les différents acteurs du territoire doivent être des alliés pour coopérer et mutualiser les efforts. Toutefois, à l’échelle d’un territoire, gestion environnementale et halieutisme peuvent fonctionner ensemble : Protéger les milieux encore préservés et les espèces sauvages tout en optimisant le loisir pêche sur des milieux moins intéressants d’un point de vue naturaliste. C’est d’ailleurs vers cette pluralité que l’AAPPMA du bas Bugey essaye de s’orienter en faisant la promotion du loisir pêche sans léser les milieux naturels et sans artificialiser les populations de poisson là où subsistent des poissons autochtones sauvages.
Enfin, nous le détaillerons dans un autre article, mais un des rôles essentiels d’une AAPPMA est aussi d’assurer la pêche pour tous en collectant les droits auprès des propriétaire rivulaires.
Bibliographie
- Philippe KEITH, Nicolas POULET, Gaël DENYS, Thomas CHANGEUX, Eric FEUNTEUN & Henri PERSAT. Les poissons d’eau douce de France. Biotope éditions – Collection inventaires & biodiversité – Muséum national d’Histoire naturelle – 2020.
- Dollenmeier-2004- Sur la trace du déclin piscicole. Page 117 « Hypothèse testée : Une modification du régime thermique des eaux a entrainé un déclin des populations piscicoles et une baisse des captures de poissons ».
- Elorri AREVALO. Effets potentiels du changement climatique sur la survie et la croissance de la truite fario (Samo trutta L.) : conséquences de la température et des crues hivernales sur les jeunes stades.
- Fédération du Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique. Memento du pêcheur de truite. Novembre 2010.